Dimanche dernier, Canal + diffusait le documentaire « Je ne suis pas une salope, je suis une journaliste » signé par la journaliste sportive Marie Portolano.
Le documentaire coup de poing qui avait pour but de montrer les violences sexistes dont sont victimes les femmes journalistes sportives s’est paradoxalement retrouvé censuré par la direction de Canal + après que des dossiers concernant leur journaliste phare, Pierre Menès, remonte à la surface pour des cas d’agressions sexuelles. La parole Marie Portolano et de ses consœurs devient muette aussitôt qu’elle commence à résonner.
LA STRATÉGIE CANAL + : LE CHOIX DE LA CENSURE POUR PROTÉGER PIERRE MENÈS.
De nombreux extraits ont été censurés par la direction de Canal + pour assurer la protection de Pierre Menès comme celui où Marie Portolano, une de ses victimes, place le chroniqueur dos au mur face aux agressions sexuelles qu’il a commis ou encore un passage dans lequel le journaliste a soulevé la jupe de Marie Portolano pour lui mettre la main aux fesses en août 2016. Une seconde victime, la journaliste Isabelle Moreau, qu’il avait embrassée de force en 2011 sur le plateau du Canal Football Club en prétextant de simplement lui offrir des fleurs pour son anniversaire, voit aussi son témoignage censuré par la direction dans la même lancée. Le journal « Les Jours » révèle que dans la version non-censurée par Canal + « Marie Portolano montre (les images) à Isabelle Moreau sur une tablette, qui, les revoyant, fond en larmes. Expliquant que cette scène « était venue ruiner dix ans de sa carrière ». Sur les réseaux sociaux, les voix s’élèvent pour dénoncer une autre agression sexuelle commise par Pierre Menès, cette fois sur le plateau de « Touche pas à mon sport » en 2016 où il se force sur la journaliste Francesca Antoniotti avant de faire mine d’être dégoûté par le baiser qu’il vient de lui faire subir.
« SI TU PEUX PAS FAIRE UN BISOU SUR LA BOUCHE À UNE COPINE .. AU SECOURS, QUOI ! »
Le journal « Les Jours », qui était déjà à l’origine des révélations concernant la censure de Canal + pour protéger son chroniqueur maison, a publié de nouvelles images coupées au montage du documentaire. Durant ces quatre minutes censurées, la journaliste Isabelle Moreau revient sur cette scène pendant laquelle Pierre Ménès l’a embrassée de force en 2011. Face aux faits qui lui sont présentés par Marie Portolano, Pierre Ménès s’emporte devant la réponse d’Isabelle Moreau, interrogée plus tôt par la journaliste. Alors que la réaction d’Isabelle Moreau face à l’extrait en question témoigne de son impuissance face au chroniqueur : « Il est là le cadeau empoisonné, c’est-à-dire que je m’attends à un bouquet de fleurs et j’ai ce baiser. En fait, je crois que l’image elle est bonne pour personne. Quelle crédibilité accordée à une femme qu’on peut embrasser comme ça sans son bon vouloir ? » Celle de Pierre Menès, elle, souligne son regret de l’évolution de la société où la parole des femmes face aux agressions sexuelles est libérée : « C’est la société qui lui dicte ce qu’elle dit là. C’est pas un smack qui va la salir, faut se calmer, quoi ! Si tu peux pas faire un bisou sur la bouche à une copine… Au secours, quoi ! »
LE CONSENTEMENT, UN «DÉTAIL» DE CETTE HISTOIRE
Après la déferlante médiatique qui dépasse le cadre de Canal +, l’affaire Pierre Menès devient un véritable sujet de débat et suscite une réouverture nécessaire sur la notion de consentement. Invité sur le plateau de C8, il modère la gravité des agressions qu’il a commis ainsi : « Je trouve que placé dans le contexte national, ça me paraît être une forme de détail. » Selon lui, les moeurs de la société aurait changées et ses actes, qui étaient auparavant vus comme normaux voire amusant, se seraient transformés en agressions sous le regard d’une génération devenue trop sensible et trop facilement offensée : « Évidemment que quand je vois la scène avec Francesca, bien sûr que je ne referais plus ça aujourd’hui. Mais parce que le monde a changé, c’est « me too » : on ne peut plus rien faire, on ne peut plus rien dire. À l’époque ça n’a pas fait polémique, aujourd’hui ça ferait un scandale affreux, alors qu’il y a cinq ans ça serait passé crème. Il est bon à rappeler, à Pierre Menès comme à tout autre ne voyant de problème dans la situation, que ce « détail » évoqué comme argument de défense est en réalité défini comme une agression sexuelle, soit, une « atteinte commise avec violence, contrainte, menace ou surprise » qui est passible de jusqu’à 5 ans de prison et 75 000 € d’amende.